jeudi 24 avril 2008

Au Tchad, le président Deby joue l'"ouverture" tout en divisant l'opposition

Avec l'entrée au gouvernement de quatre opposants, le président tchadien Idriss Deby Itno amorce une "ouverture" réclamée par la communauté internationale pour restaurer la paix, et divise une opposition auparavant unie depuis la "disparition" d'Ibni Oumar Mahamat Saleh.


Dans l'équipe formée mercredi par le nouveau Premier ministre Youssouf Saleh Abbas (photo), un ex-rebelle rallié au président Deby dont il était devenu le conseiller diplomatique, deux figures historiques de la politique tchadienne, les opposants Wadal Abdelkader Kamougué et Jean Bawoyeu Alingué, obtiennent respectivement les portefeuilles de la Défense et de la Justice.

Deux autres membres de la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC) décrochent des postes: l'Aménagement du territoire pour Hamit Mahamat Dahalob, porte-parole adjoint de la principale coalition de l'opposition, et l'Agriculture pour Naimbaye Lossimian.

"Le pays doit aller de l'avant, il ne peut pas s'arrêter", affirme à l'AFP l'opposant sudiste Kamougué, expliquant que la communauté internationale plaidait auprès du chef de l'Etat en faveur d'une telle "ouverture".

Après un dialogue réussi entre le pouvoir et l'opposition, qui avait permis la signature, le 13 août 2007, d'un accord censé aboutir à des élections démocratiques en 2009, tout contact avait été rompu après l'attaque rebelle ratée des 2 et 3 février à N'Djamena.

A l'issue de ce raid, qui a failli faire tomber Idriss Deby, trois opposants ont été arrêtés, selon des témoignages concordants, par les services de sécurité tchadiens. Deux d'entre eux ont depuis recouvré la liberté, mais le troisième, le porte-parole de la CPDC Ibni Oumar Mahamat Saleh, est toujours porté "disparu".

Jusqu'ici, la CPDC faisait de sa "libération immédiate et inconditionnelle" un préalable à toute reprise du dialogue, notamment au sein du comité de suivi de l'accord du 13 août.

Nombre d'opposants estiment toutefois, sous couvert de l'anonymat, qu'Ibni Oumar est décédé. "En entrant au gouvernement, ils semblent avoir fait son deuil", souligne un observateur étranger qui a également requis l'anonymat.

"Nous ne faisons pas le deuil de notre collègue, nous n'avons pas mis de côté notre revendication le concernant", proteste le nouveau ministre de la Défense.

Mais déjà, des voix discordantes se font entendre au sein de l'opposition, à commencer par celle du parti de l'opposant "disparu", qui "regrette" l'entrée au gouvernement "alors que nous sommes toujours sans nouvelles d'Ibni".

"Ils vont au gouvernement à titre personnel, à leurs risques et périls", renchérit un autre responsable de la CPDC, Salibou Garba, évoquant des "débauchages individuels". "La CPDC en tant que telle n'est pas au gouvernement".

Selon lui, "Deby essaye de diviser la CPDC, et c'est de bonne guerre".

Plusieurs opposants redoutent enfin que ces ministres n'aient guère d'influence au sein d'un gouvernement dominé par des proches du chef de l'Etat, comme le titulaire des Infrastructures Adoum Younousmi, son collègue de l'Intérieur Ahmat Mahamat Bachir ou encore l'ex-directeur du cabinet présidentiel Mahamat Hissène, nommé à la Communication.

"C'est la CPDC qui crédibilise le gouvernement", note Saleh Kebzabo. Or, déplore-t-il, elle n'y représente que "la portion congrue". "Quel rôle va-t-elle jouer? J'ai un doute là-dessus".

"La CPDC risque de voler en éclats", pronostique déjà un observateur proche du pouvoir, "car ceux qui n'ont pas eu de postes sont en colère".

Le premier test de l'unité de l'opposition aura lieu dans les prochains jours, lorsqu'elle devra se prononcer sur une reprise de sa participation au comité de suivi de l'accord du 13 août.

AFP

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